Récit, communautés agissantes et formation à l’ère de l’Anthropocène (Numéro 86 - 2025)
Actualidades Pedagógicas

Coordination : Christine Delory-Momberger, José Maria Siciliani & Manuel Alejandro Prada

Argumentaire

La situation politique au niveau mondial représente une autre urgence. La rationalité marchande et la plus-value sont dorénavant au cœur de toutes les économies humaines, générant des normes de société mais également des normes subjectives sur lesquelles se façonnent et se « fictionnent » des normes de vie et d’existence. Des guerres et des conflits sont en résurgence, des migrations d’ordre climatique et des déplacements forcés s’accentuent, un affaiblissement des démocraties dû à l’émergence des discours de haine extrême met en péril les acquis socio-politiques de l’Histoire et la construction d’un monde commun s’avère de plus en plus difficile.

Il s’agit de penser comment se défaire de la fiction de la figure d’un individu néolibéral autonome, « qui se fait soi-même », qui travaille à son propre rendement et à sa propre réalisation, et cherche à se dépasser toujours plus, pour penser un « être relié » construit dans l’altérité et le souci de soi, des autres vivants et non vivants et du monde. Nous avons beaucoup à apprendre des savoirs ancestraux des peuples premiers qui se représentent comme des « sujets collectifs qui tissent des relations sociales avec tout ce qui les entoure », (Krenak, 2020, 31). La notion de « communauté » qui est le fondement de leurs sociétés, nous semble pertinente à reprendre à nouveaux frais dans ce contexte d’Anthropocène. En Occident, des philosophes humanistes comme Mounier (1961) ; Ebner (1963) ; Levinas (1987 ; 1991 ; 2006) se sont emparés en leur temps de la question du rapport relationnel à l’autre pour en redéfinir les enjeux sociaux, politiques, éthiques, spirituels dans l’avènement d’une altérité responsable œuvrant à la construction de communautés humaines. Cette réflexion s’est poursuivie plus largement et impérativement dans les sciences humaines et sociales face au défi que représente l’Anthropocène ; la mise en conscience des interdépendances des humains et des non humains (Descola, 2014 ; 2019 ; 2021 ; Jullien, 2022 ; Morizot, 2020 ;
Haraway, 2020 ; Pierron, 2021) dans un habiter la Terre et la perspective d’une finitude du « système Terre » (Latour, 2015) ont suscité de vifs questionnements de nature à déplacer le point-de-voir et le point-de-vie, faisant apparaître l’urgence d’un prendre soin des « mondes à venir » (Descola & Pignocchi, 2022) dans un faire ensemble.

La conscience de l’impact des activités humaines sur les écosystèmes terrestres et la découverte d’un monde relié, interdépendant et interagissant façonnent de nouvelles formes de communautés ayant responsabilité d’un prendre soin dans une histoire commune, celle d’un entrelacement de vivants et de non vivants partageant la même habitation terrestre. Ces communautés agissantes s’inscrivent dans une nouvelle histoire de la Terre et ce sont nos écritures de la vie qui sont interrogées, mises à l’épreuve, radicalement reconfigurées. Que racontent ces nouveaux récits d’un nous inscrit dans des reliances, des alliances et des appartenances interespèces ? Quelles perspectives cognitives et pédagogiques amèneraient des catégorisations telles que « communauté narrative » ou « communauté de mémoire » dans la construction de communautés agissantes ? Quel impact aurait la narrativité sur les processus de formation communautaire ? La formation peut-elle être un appui dans la construction d’un « récit de coopération » (Pelluchon, 2020). Comment construire un récit des « histoires communes » (Ozório, 2016 ; Delory-Momberger, 2014). Les récits féconderaient-ils des communautés « résonantes » (Rosa, 2021 ; 2022a ; 2022b) créant un espace relationnel fertile qui rejoindrait l’idée d’une « démocratie sensible » développée par Michaël Fœssel (2013). Relevons ce défi et racontons des histoires de communautés agissantes et avec Ailton Krenak, parions que « si nous y parvenons, alors nous retarderons la fin du monde » (Krenak, 2020, 30).

Ce numéro 86 de la Revue Actualidades Pedagógicas (2025) se propose de réfléchir à cette notion de communauté en tant que communauté agissante et aux liens qu’elle pourrait entretenir avec la narrativité dans des refigurations du modèle communautaire. Ce numéro est porté par une dimension interdisciplinaire et internationale avec une présence de disciplines telles que la philosophie, des sciences de l’éducation, de la pédagogie, des sciences politiques, de sciences économiques, des sciences religieuses et de la théologie.

En fonction de ces considérations, nous invitons les chercheur.e.s de différentes disciplines et nationalités à contribuer à cette réflexion que nous voulons commune en nous envoyant une proposition d’articles selon les catégorisations suivantes :

- Communautés éducatives

- Communautés politiques

- Communautés économiques

- Communautés narratives

- Communautés de mémoire

- Communautés spirituelles

- Communautés interespèces

Vous pouvez consulter les consignes aux auteur.e.s sous le lien suivant : https://ciencia.lasalle.edu.co/ap/AP_Instrucciones.pdf ou vous référez aux consignes aux auteurs, attachées dans la pièce jointe.